Un Psy et Coach à Nantes
Frédéric LE MOULLEC
Observer
Observer est un mot qui traduit une attitude formidable, qui se trouve être, qui plus est, l’une de nos capacités fondamentales, trop souvent oubliée. Observer signifie à la fois porter son attention devant et respecter (sens que l’on retrouve, par exemple, dans observer une minute de silence). Ainsi, l’observation est un regard à la fois ouvert et retenu sur le monde. C’est un regard qui guette sans être inquisiteur, sans provocation aucune. Ce faisant, il nous dote d’innocence (au sens le plus littéral du terme : l’innocent est celui qui ne nuit pas, n’offense pas) et de lucidité. Ça peut servir dans la vie humaine, non ?
Étant ouvert et retenu, ce regard-là est prodigieusement actif. Allant pour plutôt que contre, il nous inscrit dans le mouvement même de la vie. Il nous permet de tirer parti de nos expériences, d’apprendre et de rebondir, en tout cas. Il nous permet tout autant de découvrir le monde que de nous découvrir à travers lui, mais également de nous mettre en cohérence avec ce qui nous entoure, même si parfois nous en réprouvons la marche, peut-être même à raison. Mais pouvons-nous avoir raison de ce qui nous dépasse, de ce qui est plus grand que soi ? Cela ne nous empêche pas, après tout, de maintenir notre position. En ce sens, l’observation se différencie et se situe même à l’extrême sud du jugement, dont l’espèce humaine est si friande, qui, lui, tend à fermer et enfermer, à maîtriser, et à produire in fine des rapports de force le plus souvent ineptes, avec les autres comme avec ce qui advient. En jugeant plutôt qu’en observant, nous nous mettons en position d’aller contre ce qui est, contre la Vie qui s’écoule en nous tous. C’est épuisant.
Mais pourquoi sommes-nous si enclins à juger plutôt qu’à observer ? Probablement parce que l’espèce humaine est surdouée cognitivement, et l’excès allant au-delà du besoin produit toujours l’effet inverse à celui recherché. À trop vouloir comprendre ce que nous voyons, on n’y comprend plus rien ! Mais peut-être aussi, l’appétit venant en mangeant, parce que la pensée propre à l’espèce humaine nous a permis de maîtriser, dans une certaine mesure, ce qui nous dépassait. Cela nous a rendus prétentieux et imbus de nous-mêmes. Mais là encore, trop de maîtrise tue la maîtrise, la tâche finit par nous emporter et nous laisser exsangue sur une plage déserte. Rappelons-nous la conclusion finale de Montaigne, épuisé de couper les cheveux en quatre sans plus de résultat probant, pour élucider le mystère de son amitié avec La Boétie : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ! ». Ou quand le don d’observation, plus simple et plus basique sans doute, en tout état de cause plus juste, supplante soudain le don de réflexion, qui creuse parfois jusqu’à nous recouvrir de ses propres remblais. On peut tout aussi bien chercher à comprendre pourquoi l’espèce humaine est surdouée cognitivement, beaucoup de choses peuvent l’expliquer en effet, et on cherche encore, mais c’est un fait : nous sommes la seule espèce à être allée sur la Lune. Vivons-nous mieux pour autant ? N’aurions-nous pas intérêt à être un peu plus animal, parfois ?
Sans doute faut-il entendre par-là toute la résonance de cette phrase de Nietzsche : « là où vous autres voyez des choses idéales, moi je vois des choses humaines, hélas, bien trop humaines ! » Au fond, observer ce serait respecter la Vie en nous, se montrer réaliste ou authentique en somme, quand juger serait vouloir se mettre au dessus de la Vie en nous, et se montrer ainsi par trop idéaliste. Il en faut sûrement, de l’idéalisme, mais point trop. Ou l’associer à une authenticité dont seule l’observation peut nous doter. Méfions-nous autant de la nature humaine que de la nature sauvage. Il n’y a rien qui soit parfait, et n’oublions pas que nos dons font nos qualités comme nos défauts. Observer est d’autant plus nécessaire que nous nous évertuons à juger, interpréter, analyser. Le jugement trouble, l’observation éclaire, même dans l’obscurité la plus profonde.
Photo : coucher de soleil sur la Costa Brava, stimulant pour nos capacités d’observation
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